31 mars 2006 : la plus belle manif du monde ?

De la lutte contre le CPE à la Commune... Le soir de l’annonce de la promulgation de la loi par Chirac, une manifestation sauvage extraordinaire s’élance de Bastille au cri de « Paris, debout ! Réveille-toi ! », des milliers de personnes y participent. Après un long parcours, elle finira à Montmartre très tard dans la nuit autour d’un immense feu de joie.

Récit trouvé sur le blog Danse, bordel !!!

VERSION ME MYSELF I :

J’en ai encore les yeux qui s’embrument, les poils qui se hérissent & les chaussettes qui puent. Si j’avais cru qu’un jour, en manif sauvage de malade, on puisse choisir de monter sur la Butte à 2 heures du mat’ pour le plus beau des hommages. Tout avait commencé comme dans un rêve, sortie du boulot à 19 heures, rencard chez un pote pour passer enfin une soirée tranquille à se miner tranquillement la gueule en écoutant de la ‘zique & blam, ambiance chelou dans le métro, trop de stations fermées & des regards appuyés. Coups de fil en pagaille, à peine le temps de s’envoyer notre boutanche de muscadet rituelle apéritive, départ à quatre de Montreuil en vélo direction Bastille.

Et là... foule compacte (2000 au plus fort de la manif selon France-Un-Faux, ah ah ah !!!), ahurissante, joyeuse, vivante. On y va, on sait pas où, on ne le saura jamais, mais on y va. Opéra, Assemblée Nationale (occup’ foirée de peu), Sénat (occup’ foirée de peu), Saint Germain, je peste contre le passage rituel à la Sorbonne où heureusement on ne reste pas longtemps, Matignon fin bloqué comme l’Élysée, dans la rue descendez, Paris révoltée, c’est mieux qu’à la télé... Châtelet, où qu’on va, au Nord au Nord, idée qui commence à germer, yes, le Sébasto, tension de quelques instants bikoz y en a qui veulent repiquer sur Répu (dont des RG déguisés en totos...) & non, passage par Barbès, re-hésitation Boulevard de Clichy, filer tout droit ou ... ?

Quelques déterminé-e-s dont je suis n’en peuvent plus, s’époumonent & c’est parti, on monte par la rue Lepic, ça commence à parler ouvertement du symbole Communard, la butte est à nous, on arrive au Sacré-Cœur, ivresse collective d’environ 3000 personnes, ça tague comme jamais sur l’immondice expiatoire : 1871, sous ces pierres, nos morts – la Commune bande encore, crénom de Dieu ! Un feu immense & une fabuleuse Internationale donnent au 18 mars une résurrection improvisée. Emu aux larmes, je ne cherche même pas à cacher mes pleurs. Les lumières de la ville en contrebas, le feu, les CRS qui ont dû descendre de leurs cars & monter à pied hé hé, la nuit & les poings tendus, l’histoire & le présent, nous restons une bonne demi-heure, je pense à des milliards de trucs, cette éternelle France rebelle qui rejoint en pleine nuit presque sans le savoir un de ses symboles les plus intimes, cette vie depuis un mois & demi, toi qui n’es pas là & avec qui j’aimerais tant partager quelques secondes de ce moment magique, ces sourires sur toutes les bouches, le concert de dimanche, cette Internationale qui est le genre humain, ces bâtons de dynamite que j’aimerais tant avoir, ces mots que j’écris pour lutter contre l’oubli.

La suite n’est qu’une longue descente.

Aujourd’hui, 19 heures 10, le meilleur pinard au monde, un Savagnin du Jura, que je viens de déboucher pour fêter ça, le reste, la vie, l’amour, la lutte & les mots. Nous n’avons pas encore marché sur Versailles, sans doute que ça va pas tarder, nous avons juste eu besoin de rendre le plus bel hommage à nos mort-e-s. Un truc pas prévu, sans orga, sans chef, sans rien d’autres que nos cœurs aussi rouges que le temps des cerises & noirs que le deuil que nous portons depuis 1871.

Note

Lire également les versions du Monde et de la Brigade Activiste des Clowns (BAC) directement sur le blog.

Localisation : Paris

À lire également...