Casser la loi anti-casseurs

Depuis le printemps de révolte contre la Loi Travail en 2016, le pouvoir a suivi une stratégie continue de répression et de criminalisation des mouvements sociaux, cherchant à en recouvrir les revendications et les contenus politiques pour répondre au conflit sur un terrain purement sécuritaire. La République se défend contre ceux qui veulent la détruire et abattre les institutions. « L’État de droit » contre la « foule haineuse ». Ainsi la stratégie gouvernementale est-elle relayée par une propagande médiatique de tous les instants.

Dans ce contexte, les violences policières se sont banalisées, provoquant chaque semaine de sévères mutilations. Du gouvernement Hollande à celui d’Emmanuel Macron, la fameuse « tradition française » du maintien de l’ordre, basée sur la distance et la retenue, a volé en éclats. Lorsqu’il s’agit d’écraser une dynamique de contestation, les gouvernants piétinent sans complexe les « principes démocratiques » dont ils se prévalent dans leurs discours. Dès 2015, nous avions vu que l’état d’urgence allait servir à la neutralisation des opposants politiques et à la construction opportune d’un « ennemi intérieur ». Aujourd’hui, l’état d’urgence est passé dans le droit commun. Et la mutation autoritaire des démocraties libérales est une tendance historique à laquelle la France n’échappe pas.

De manifestation en manifestation, les gens se rendent compte que dans la situation actuelle, exprimer une conviction revient à mettre en jeu son propre corps – et prendre le risque que sa vie soit modifiée de manière irréversible. Au cours des trois derniers mois, on dénombre une vingtaine de personnes éborgnées, plusieurs personnes dont la main a été arrachée et un nombre incalculable de blessés. Rien d’étonnant, donc, à ce que dans les cortèges de Gilets Jaunes on entende de moins en moins : « La police avec nous », et de plus en plus : « Tout le monde déteste la police ».

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