Ce que peut être un réseau libre mondial

Quelle forme pourrait prendre un projet de sociétés non capitaliste, et comment pourrait-il se développer au sein de nos sociétés actuelles ?

Puisque les États en pleine "crise" du capitalisme (et ses conséquences que l’on connait sur le prolétariat) ne sont bons qu’à couvrir les voleurs et assassins du capital, à saigner les budgets de la santé, de la recherche, de l’éducation, de la culture et de tout ce qui fait sens dans la société ; puisqu’ils ne sont bons qu’à donner l’argent du bon peuple aux plus vils des exploiteurs, et à réprimer nos désirs d’émancipation, il convient de penser la révolution.

Nous organiser pour faire nous aussi notre “optimisation fiscale”, en donnant ce qu’on ne donne pas à l’État à des structures populaires, pour organiser la santé, l’éducation, l’alimentation, la confection de vêtements, l’habitat. Uniquement des structures qui respectent une éthique anticapitaliste : autonomie et autogestion, entraide, abolition de l’exploitation salariale, égalité, conception et organisation écologique des activités, mais aussi gratuité et socialisation de tout ce qui est nécessaire à la vie, pour sortir de l’économie.

Contraints parfois d’associer illégalité et légalité, nous avons des modèles et des pistes à disposition. Je pense à la coopérative intégrale Catalane qui décide collectivement de soutenir des initiatives correspondant leur charte et qui vient finalement reprendre en main populairement le politique. Les financements viennent de membres ayant des activités entrepreneuriales (coopératives, artisans), non déclarées au fisc, et protégées grâce à des montages juridiques assurés par une équipe spécialisée. Je ne connais pas plus que ça, mais le concept est complètement cohérent lorsque autant de gens sont livrés à la violence institutionnelle et capitaliste.

Distribuons de la nourriture gratuite à des cantines solidaires permettant à quiconque de se nourrir, et notamment les plus dominés de la hiérarchie sociale, tout en faisant marcher la débrouille à coté, en attendant de faire système. Cela peut-être pour un maraîcher, de nourrir les siens, de donner tous les surplus à une cantine solidaire (comme celle de la maison de la grève à Rennes), et de vendre à coté sa bière artisanale pour payer les dépenses courantes.

Abolissons la propriété lucrative et la transmission de l’héritage immobilier à travers des conceptions telles que la coopérative d’habitation, pour au contraire développer des lieux dont nous avons l’usage mais dont nous ne pouvons en aucun cas abuser au détriment de nos pairs. Des lieux qui vivent par l’action de ceux qui l’utilisent, et par le contact avec l’extérieur. Des espaces culturels et politisés peuvent coexister avec une ferme pédagogique.

Socialisons nos moyens de production. Si assez de gens intéressés par toutes les étapes de la filières textile arrivent à recréer, en partant de petit, cette chaine de production, et en faisant appel au financement participatif, il est possible d’exister dans le monde de la production sans céder à l’idéologie concurrentielle et à l’auto-exploitation. Il s’agit de dimensionner la production en fonction des demandes. Du plus pauvre au plus riche, beaucoup aimeraient pouvoir consommer de façon éthique et croient même pouvoir révolutionner ainsi la société. Mais si personne ne produit rien de véritablement éthique, c’est pour ainsi dire impossible. L’éthique, ce n’est pas seulement un t-shirt en chanvre. Il faut encore que ce chanvre n’ait pas parcouru des milliers de kilomètres entre sa culture et sa transformation, mais aussi que les mains qui ont opéré tous ces travaux ne soient pas aliénés par leur activité. Et c’est enfin que ce t-shirt puisse être porté par quiconque, pas seulement les plus riches.

L’un des problèmes majeurs, c’est bien d’exister au sein de l’économie, qui en tant que telle, est génératrice d’inégalités. Le but est bien de trouver des voies, comme illustré plus haut, pour pouvoir, selon ses désirs, selon son monde social, sortir de l’économie, tout en ayant encore un pied dedans quand il est impossible de faire autrement.

C’est sûr qu’il serait plus facile de fonctionner sans économie au sein d’une ZAD (tout du moins pour les activités qui s’y développent) qu’en pleine ville. Mais ce devrait rester un objectif qu’il soit possible pour tout un chacun et selon ses moyens, de rien à un peu plus, de se loger (que ce soit par la réappropriation, la création de coopératives d’habitation, de lieux de passage pour les nomades) de se nourrir, de se soigner, de se vêtir, quelle que soit sa situation, et dans des conditions qui permettent de se sentir mieux que dans le monde sauvage du capitalisme, du nationalisme, du racisme et du patriarcat.

Ouvrons des dispensaires, des info-kiosques, des ateliers textiles, des centres d’accueil juridique, des cantines solidaires… Le chômage est déjà là pour nous, offrons nos compétences à nos frères et sœurs, et réalisons-nous, au lieu de répondre à l’injonction de vendre nos corps aux patrons.

Les exemples ne manquent pas. Certains pointeront les failles, et ils auront raison. C’est le meilleur moyen de faire encore mieux.

Créons des tiers lieux favorables à la réalisation des projets de chacun, et donc à la réalisation personnelle, des lieux ouverts et permettant l’organisation de la solidarité tout en gardant vivante la mémoire des luttes et des savoirs, c’est à dire faire vivre la culture révolutionnaire. Et lions-les, lions-nous les uns les autres par corps de métier, par complémentarité en fonction des besoins et des proximités géographique : faisons réseau ; un réseau libre, égalitaire, internationaliste.

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