Crosse en l’air ?

Darmanin, la police et les agriculteurs. Article de Lundi Matin

Depuis le début des manifestations d’agriculteurs, les médias semblent s’être déniaisés d’un coup en découvrant le « double standard » du traitement politique et policier réservé à l’expression publique d’une colère collective. Un immeuble endommagé à coups d’explosifs, un bâtiment des douanes détruit par le feu, un autre incendié, des édifices publics dégradés, des axes routiers bloqués, des domiciles privés agressés.
Aura t-on entendu parler d’éco-terrorisme ? « On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS » explique Darmanin, laissant à tant d’autres manifestants matraquées, mutilés, emprisonnées, grièvement blessés, le fait de ne s’être livrés qu’à des divertissements sans autre raison que de vouloir rompre avec ce que le chef de l’État a appelé « la géographie de l’ennui ».

Que les agriculteurs connaissent une impunité aussi remarquable en regard du nombre de détenus dans les prisons françaises et ne subissent pas, jusqu’à présent, les férocités policières et judiciaires toujours ordinaires mais de plus en plus banalisées depuis une dizaine d’années est chose appréciable.
C’est ce que subissent les diverses autres masses de manifestants qui relève de l’insupportable.
Médias et hommes et femmes politiques déroulent quantités d’explications destinées à justifier les raisons d’une telle mansuétude face à ce qui, ailleurs, se justifie comme « usage de la violence légitime » contre des casseurs, des racailles, des Gilets jaunes, des opposants à des réformes, à de nouvelles contraintes ou à la destruction de la biodiversité. Là, on déterre le lien historique de la France et de ses « paysans », pendant que, ici, ceux qui créent la souffrance – syndicats agricoles, politiciens, financiers, gros propriétaires, banquiers, etc. – expriment une feinte empathie avec la colère provoquée par cette souffrance. On argue d’une popularité du milieu paysan au mépris des millions de personnes qui dans les rues ont refusé massivement la réforme des retraites. On invoque une « colère saine » contre les autres baptisées malsaines, celles qui prétendent notamment refuser l’appropriation privée de l’eau. On convoque des fulgurances telle cette remarque d’un policier : « Entre des gens qui se battent pour leur survie et des chevelus qui vous expliquent qu’il ne faut pas prendre plus d’une douche par jour, ma sympathie, de manière spontanée, va plutôt vers les premiers ». D’autres se veulent plus techniques au prétexte des difficultés qu’il y aurait à déplacer de lourds engins agricoles.

Pourtant derrière ces commentaires à courte vue, d’autres raisons plus profondes semblent se dissimuler. Entre les syndicats dominants et les divers gouvernements, les collusions sont légion. Indépendamment des personnages à la tête de ces grandes organisations – le dirigeant de la FNSEA est d’abord un homme d’affaire au compte en banque bien chargé dont le projet correspond en tous points aux conceptions et perspectives industrielles posées par les États, les industriels, les banquiers et les lobbys. Il n’y a pas d’antagonisme, mais un accord global. À l’instar de cette Coordination rurale – qui s’auto-définit comme une meute.

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