Gilets jaunes : bataille dans l’inconnu

Une bataille éthique commence : il s’agira d’affirmer qu’il est possible de penser une écologie populaire, de refuser de subir les taxes sans être patron, de remettre en cause la voiture sans mépriser celles et ceux qu’elle ruine. Affirmer enfin que la solidarité face à la pauvreté ne connaît aucune frontière.

Après la journée du 17 novembre, et le récit sur le vif de la mobilisation dijonnaise, nous nous posions des questions sur la manière dont cette journée a résonné ailleurs.
Une petite revue de presse s’imposait, aiguillé·es par l’épineuse question du moment :
Mais qui sont donc les gilets jaunes ?

En passant en revue les différents articles qu’on trouve sur internet en ce moment, on découvre que tout le monde dit la même chose : on est carrément paumés !

Nantes révoltée :

En regardant les groupes facebook d’appel au 17 novembre, on ne peut que constater une grande confusion. Des appels à chanter la Marseillaise côtoient des appels à « refaire Mai 68 ». On y débat pour savoir s’il faut avoir le soutien des policiers, ou au contraire les attaquer. D’autres veulent « élargir les revendications » plutôt que se concentrer sur le prix de l’essence. Ces groupes ne sont pas d’extrême-droite, mais il est incontestable que des militants d’extrême-droite tentent de faire de l’entrisme sur ces réseaux. On y trouve aussi des syndicalistes, des militants de gauche, voire d’extrême-gauche. Mais pour l’immense majorité, il s’agit d’une France périphérique sans références précises, qui se revendique « apolitique ». À l’image de la situation du pays : instable et atomisé, mais en colère.

Rapports de force :

Tentant vaguement d’écrire un papier sur la manif j’essaie d’identifier des références communes, de mettre les gens dans des cases. Il veut quoi ce Raymond, soit-disant un ex-CFDT ? Il est anti-flics ? C’est un zadiste ? Et cette jeune qui prend la parole et nous raconte mai 68 tel qu’elle l’a entendu dans la bouche de son Papi : « Les gens ont fait une grosse manif en plein Paris où il y a eu des morts et après plus personne n’est allé travailler. » C’est qui ? Un sous-marin trotskyste ? « Souvenez-vous de 1789 » met en garde un participant. « Regardez la révolution en Arménie ils ont commencé 200 ils ont fini ils étaient des millions. », avance un autre. C’est le bordel, chacun y va de sa référence historique et mon radar politique bugue totalement.

Désarçonné·es, tout le monde y va de sa comparaison : bonnet rouge, je suis charlie, nuit debout, poujadisme, jacquerie paysanne,...
Certain·es cherchent à comprendre a priori si ce mouvement a un "intérêt", s’il est de gauche ou de droite, s’il est manipulé ou sincèrement spontané... et les analyses vont bon train.
Il y a d’un côté celles et ceux qui déterminent l’intérêt du mouvement suivant son potentiel idéologique : même si on admet qu’il est toujours utile de se révolter contre la pauvreté, s’en prendre aux taxes seraient globalement "de droite", surtout s’il s’agit de contrer des mesures écologiques.

Indymedia Nantes :

Le discours anti-taxes sert avant tout les intérêts de la droite, et les syndicats patronaux du transport routier très impliqués dans l’organisation n’ont pas pour but d’obtenir autre chose que des ristournes ou subventions.

Ces critiques, solidifiées par le fait que différents groupes d’extrême-droite ont rejoint l’appel à mobilisation, nous mettent en garde : un mouvement qui ignore l’analyse de classe devient bêtement populiste, et ne peut servir que la droite.

Défense Collective :

La seule analyse intéressante à produire concerne la nature du mouvement, et les effets qui se produiront à l’intérieur même de sa réalisation politique. Et la principale menace que porte le mouvement des gilets jaunes est bien ici : il a toutes les caractéristiques du terreau idéal qui va permettre à l’extrême-droite de se structurer. Ce fut le cas lors de la Manif Pour Tous, mais aussi lors du mouvement des Bonnets rouges.
Les périodes d’intenses bouillonnements politiques sont les meilleurs terrains d’élaboration pour les groupes politiques actifs. Les manifs fournissent les cadres d’organisation, permettant la rencontre des individus, leurs rapprochement autour de projets concrets communs, la libération de temps et le poids numérique, toutes ces choses qui existent si peu dans les périodes hors-mouvement. On le sait bien, puisque c’est aussi à tout ça que servent les grèves par exemple. Donc, plutôt que chercher à prouver la « récupération » d’un mouvement naissant par des pontes et/ou épouvantails d’extrême-droite, préparons-nous à voir se rejouer l’accomplissement logique d’un pseudo-mouvement, qui par sa nature, va être formateur pour l’extrême-droite, ce qui est le pire scénario qu’on puisse envisager.

Ce à quoi Rouen dans la rue répond :

Il est de bonne guerre de prendre les choses par un autre bout et de s’attaquer non plus (seulement) à la gestion gouvernementale du salariat mais à celle de la consommation, qui en est l’autre versant en fait, via les taxes sur les dépenses (type TVA). Certes tout ce qui bouge n’est pas rouge, mais tout ce qui conteste une mesure fiscale ayant une incidence directe sur le mal nommé pouvoir d’achat n’est pas en son essence même réactionnaire ou crypto-fasciste.

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