Mouvement des gilets jaunes : et si on pensait bagnole ?

« La vérité, c’est que personne n’a vraiment le choix : on n’est pas libre d’avoir une bagnole ou non parce que l’univers suburbain est agencé en fonction d’elle - et même, de plus en plus, l’univers urbain. » Propositions de réflexions sur et contre la voiture.

Personne n’a pu passer à côté du mouvement des « gilets jaunes » : péage en flammes à Bordeaux, opérations péages gratuits à Toulouse, en Charentes Maritime, dans le Var et dans le Nord...
Sur l’ïle de France les actions sont pour le moment moins intéressantes mise à part la tentative de protestation devant l’Élysée samedi 17 novembre.
Chacun-e se focalise sur le potentiel révolutionnaire (ou réactionnaire) de la manif du samedi 24...

Et si on se plantait ?
Si le problème de base était plus vaste ?
Parce que les gens ne sont pas vénères que pour les hausses de prix du carburant, oui, évidemment, on s’en doute !
Mais ielles ne sont pas non plus vénères de la dépendance énergétique (vaste thème de l’extrême-droite) ou de la pollution liée aux carburants (vaste thème tout court) ou de l’aliénation du quotidien.

Car il ya bien des raisons pour qu’on soit autant dépendant-es de la bagnole ! et surtout, de son idéologie !
Non, on ne parle pas de rouler des mécaniques à donf sur l’autoroute avec un classe A, ou de comparer les performances des voitures françaises ou allemandes : on est bel et bien prisonnier-ere-s d’une idée que la bagnole, c’est plus simple, qu’on en a vraiment besoin, que c’est plus rapide...

En fait, on finit par oublier que les déplacements, c’est quand même l’histoire de notre vie : 177 millions de déplacements par jour rien qu’en France !
Pour aller au taf, à l’école, pour aller voir des potes, pour rentrer du taf ou de l’école, pour faire des courses,... Peu importe où ielle va, un.e automobiliste parcourt en moyenne 10 000 km/an, pour un budget d’à peu près 6000 euros/an. C’est clair que c’est pas donné.

40 % des trajets quotidiens parcourus en voiture font moins de 2 km (et sont 2 fois plus polluants) : du coup ça veut aussi dire que notre société se tape totalement de proposer des transports publics de proximité qui tiendraient la route (c’est le cas de le dire) quand elle ne tente pas de les détruire purement et simplement (il suffit de penser au pacte ferroviaire et autres réformes de la SNCF, par exemple).
La bagnole est donc souvent un mal nécessaire dans beaucoup d’endroits non ou mal desservis par les transports en commun.

D’où une sélection qui invite à la réflexion :

Si vous êtes vidéo, vous pouvez zieuter un documentaire en ligne de 30 minutes qui questionne le pourquoi de la bagnole :
Mauvaise conduite, documentaire critique sur la bagnole

Si vous souhaitez lire un peu, le documentaire en question est basé sur un texte d’André Gorz, L’idéologie sociale de la bagnole et un autre d’Ivan Illich, Energie et équité, qui, s’il faut les resituer dans le contexte des années 1970, ont néanmoins une portée actuelle.

Extraits :

« La vérité, c’est que personne n’a vraiment le choix : on n’est pas libre d’avoir une bagnole ou non parce que l’univers suburbain est agencé en fonction d’elle - et même, de plus en plus, l’univers urbain. C’est pourquoi la solution révolutionnaire idéale, qui consiste à supprimer la bagnole au profit de la bicyclette, du tramway, du bus et du taxi sans chauffeur, n’est même plus applicable dans les cités autoroutières comme Los Angeles, Detroit, Houston, Trappes ou même Bruxelles, modelées pour et par l’automobile. »

André Gorz, L’idéologie sociale de la bagnole, 1973.

" Devenu un objet qu’on achemine, l’homme parle un nouveau langage. Il va en voiture « retrouver » quelqu’un, il téléphone pour « entrer en contact ».
Pour lui, la liberté de mouvement n’est que la liberté d’être transporté. Il a perdu confiance dans le pouvoir politique qui lui vient de la capacité de pouvoir marcher et parler. Il croit que l’activité politique consiste à réclamer une plus large consommation de ces services qui l’assimilent à une simple marchandise. Il ne demande pas plus de liberté pour des citoyens autonomes, mais de meilleurs services pour des clients soumis. Il ne se bat pas pour garantir sa liberté de se déplacer à son gré et de parler aux autres à sa manière, mais pour asseoir son droit d’être véhiculé et informé. Il désire de meilleurs produits et ne veut pas rompre l’enchaînement à ces produits.
Il est urgent qu’il comprenne que l’accélération appelée de ses vœux augmentera son emprisonnement et, qu’une fois réalisées, ses revendications marqueront le terme de sa liberté, de ses loisirs et de son indépendance. "

Ivan Illich, Energie et équité, 1973.

Si vous avez les mains qui n’attendent que de se plonger dans le cambouis, bien sûr, vous pouvez toujours sauter le pas : l’huile, c’est prouvé, ça carbure !
Trois recettes faciles pour filtrer son huile, par Friteuse Magazine, 2008 :
47 pages du réseau Pétales, « Mécanique des fleurs », pour rouler à l’huile végétale.

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