Ni campagne ni investiture, plongée dans le futur

Retour sur cette période sombre de pollution, de grand froid, de saturation des centres d’hébergement et des hôpitaux, de confiscations de couvertures et d’élections toujours plus répugnantes qui ont précédé notre heure

"On se sentait dans un monde de l’absurde où l’indécence de quelques héritiers se payait de la vie de milliers de gens sans que rien ne soit jamais remis en cause. On ne vivait plus. On était tous comme des coques vides totalement aliénées par une existence uniquement composée de cycles exploitation-frustration-consommation se répétants à l’infini. Mais si tous les maux de la boîte de Pandore s’abattaient à nouveau sur nous l’histoire s’est bel et bien répétée puisque au fond nous y avons trouvé l’espoir.

Le déclenchement

Tout a commencé par une grande fête de la crêpe chez des irréductibles bretons. Tandis que des nuages de farine volaient allègrement vers les clowns du spectacle politique, une force se remobilisait. Celle là même qui s’était attaquée à la loi travail avait bien prévenue qu’elle s’en prendrait aussi à son monde. Tous ces politiciens fantoches se retrouvaient soudain recouverts de ce blé dont ils tiraient leur pouvoir. Pas un seul n’y a échappé. Plus un seul n’osait se montrer en public. Beaucoup des héros qui se sont fait prendre, qu’ils aient réussi ou non à montrer au monde la farce dans laquelle il replongeait, ont pris très cher pour leur effronterie. La justice ne plaisantait pas avec les gens comme nous. Les médias aussi nous en ont foutus plein la gueule. Mais à chaque fois ils se régalaient. Ils se frottaient les mains et trépignaient d’impatience de voir jusqu’où ça irait, ils étaient prets à tout pour être ceux qui auront les premières images du prochain enfarinage de petit dictateur.

Ces anciens ministres et ces protectionnistes de tous bords n’avaient qu’une chose à dire : "on fera mieux la prochaine fois" pour les uns ou " c’est la faute aux autres" pour les autres.
Ils n’arrivaient à exister qu’à l’aide d’exultations hystériques de "foules" en plein délire de culte de la personnalité ou de crachats identitaires et anti-pauvres. Leurs statures autoritaires d’empereurs aux pieds fragiles qui n’en avaient plus rien à foutre des droits de l’homme étaient le point de départ de la violence.

Nous on n’aimait pas les chefs. On n’aimait pas les "représentants". On savait qu’ils ne représentaient rien que leurs longues études, leurs financeurs, leurs soumissions au marché, leurs talents de comédiens et leurs réponses bidons aux problèmes qu’ils avaient eux-mêmes créés. On le savait parce que c’était ceux qui nous éduquaient, ceux qui nous exploitaient, ceux qui nous informaient, ces "spécialistes" autoproclamés, ces lèches-culs de tous les partis qui nous disaient de leur faire confiance. Mais on a fini par cramer tous leurs mensonges à ces guignols. Depuis tout petit on comprenait rien au monde et c’est eux qui nous disaient qu’il avait un sens moral. On l’a bien vu son sens moral.

Pratiquement aucun de nous n’aimait l’école. On y apprenait que dalle, on était surveillés, mis en compétition, formatés, on ne parlait jamais avec les profs et on savait que si on était dans la merde on allait y rester. On avait peur de finir chômeurs parce que tout le monde en avait peur et leur bavait dessus mais on flippait surtout de devoir se casser le dos à perpétuité dans des métiers insupportables et sous-payés pour avoir le droit de continuer à vivre. On n’avait pas le droit de rêver, on n’avait pas d’espoir, on ne nous a jamais dit qu’autre chose était possible.

Et puis il y a eu parmi d’autres, les mouvements durant lesquels nous avons combattus les meurtres de Zyed et Bouna, le CPE, la réforme des retraites, l’expulsion de la ZAD de Notre-Dame Des Landes, la mort de Rémi Fraisse, la loi travaille !, les 49-3 ou l’assassinat d’Adama Traore. Chacun d’eux a changé nos vies et a forgé une nouvelle frange de la génération ingouvernable. A chaque confrontation nous avons été plus nombreux et après chaque échecs et trahisons nous avons appris à être plus autonomes.
On a tous fait des rencontres inoubliables, on a jeté toutes nos frustrations dans des pavés, on a embrassé la liberté et on y a pris goût. Grâce aux ancien(ne)s qui nous ont montré quelle était la nature inhumaine du capitalisme dont nous constations ensemble qu’il ne menait à aucun progrès mais bien à la guerre, on a compris ce qui n’allait pas et on l’a sans cesse vérifié de l’intérieur. On a vécu la misère, la justice à deux vitesses, l’inégalité des chances, on a vécu les discriminations, le patriarcat, on a vécu la gestion coloniale des banlieues, la violence policière, on a vu des enfoirés d’actionnaires qui se faisaient des couilles en or à ne rien foutre d’autre que de dénoncer l’assistanat dont on arrivait à peine à survivre, on a vu la reproduction sociale des bourgeois, leur hégémonie culturelle et l’apartheid économique et même parfois racial dont on était victime à la campagne comme à la ville. On a vécu les hôpitaux qui ne fonctionnaient pas, les profs qui n’étaient pas formés, les juges de mauvaise humeur, les guillotines carcérales : on a vécu les statuts de citoyens de 2e, 3e, 4e catégorie, le monologue social. On a galéré à payer des loyers à des rentiers et des emprunts à des robots, on a subi la toute-puissance du patronnat, on a dû bouffer de la merde devant des pubs pour des Porsche, on a dû renoncer à nos droits un par un.

On a lu, on a écrit, on a débattu, on a fait des recherches, on s’est organisés on s’est affranchis des bureaucraties, on a mis en pratique la solidarité sur tous les terrains du mieux qu’on pouvait. De celui pour la vérité et la justice pour les familles de victimes de crimes policiers au soutien aux salariés de McDo en passant par le combat des agriculteurs de la confédération paysanne et la dénonciation de toutes les formes de xénophobie. On a pris ces initiatives par nous-même et on en a appris beaucoup. On a été anticapitalistes et depuis cette base on a été syndicalistes, féministes, antiracistes, antifascistes, anti-impérialistes, écologistes radicaux et surtout libertaires convaincus farouchement opposés au paternalisme.

Partout, nous nous rendions compte qu’il n’y avait ni justice ni démocratie. Sans justice nous n’envisagions pas de paix. Sans démocratie nous n’imaginions pas participer à la mascarade électorale. Nous refusions qu’un tel spectacle puisse être présenté comme le moment le plus fort de la vie politique. Nous ne voulions plus de ces représentants qui nous faisaient basculer dans la démocrature ni de ces organisations politiques ou syndicales qui étaient corrompues par le pouvoir maudit et ne nous accordaient aucun droit à la spontanéité et à l’auto-organisation.

Je l’ai dit : nous n’aimions pas les chefs. Parfois nous choisissions des porte-paroles ou nous nous confions des missions spécifiques. C’était à chaque fois un grand honneur pour celui qui s’en chargeait et pour rien au monde il n’aurait trahi l’intérêt du groupe. Normal ! Nous l’aurions tout de suite révoqué. S’il s’était mis à parler en notre nom de quelque chose dont nous n’avions pas discuté avant, nous ne lui aurions plus rien confié. Et s’il ne nous avait pas fait approuver son projet avant de le mettre en œuvre nous ne l’aurions jamais laissé faire.

Comme ces candidats-comédiens professionnels qui s’entredéchiraient pour être celui qui provoquera le plus de casse sociale se réfugiaient dans les grands médias pour continuer leurs pitreries, toujours escortés par des gardes du corps ultra-nerveux qui leur interdisaient d’approcher la moindre masse par peur que l’on ne passe de la farine aux oeufs en passant par les bouteilles de lait, nous avons été obligés d’aller les y débusquer. À chaque évènement qu’on organisait pour les accueillir dans nos villes ou pour les attendre à la sortie du plateau télé, on publiait un nouvel article. Dans cet article, on démontait le discours de la cible et on concluait toujours en argumentant sur l’absence totale de démocratie dans ce système. Que les candidats s’en revendiquent ou non ils en étaient les purs produits et n’allaient rien y changer qu’au prix de nouvelles crises aux conséquences de plus en plus imprévisibles. On a expliqué quelle était la différence entre le gouvernement du peuple par le peuple et celui du peuple par l’aristocratie. On a expliqué que l’égalité était la condition primordiale à la liberté. On a cité pêle-mêle Huxley, Debord, Césaire, Malatesta, Marx, Bakounine, Einstein, Jacquard, Shankara et on a démontré que le capitalisme ne prendrait jamais le moindre "visage humain", que le gouvernement n’était qu’une société-écran, que le vote n’y ferait rien, que l’ordre des choses était injuste et intenable.

Un jour qu’un candidat s’exprimait à la radio et disait " la démocratie ce n’est pas la terreur mais le débat d’idées" un auditeur lui répondit "vous inspirez vous de l’esprit des lumières ?". "Bien évidemment, je suis républicain" lui répondit ce triste seigneur cloîtré dans ses postures hypocrites. Lui qui allait assimilait un jeteur de farine à un tireur fou venait-il de se ranger du côté des sans-culottes ? L’auditeur reprit : "sommes nous selon vous en démocratie monsieur le candidat ? - Bien sûr, nous sommes le pays de la révolution française et de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous sommes même la seule démocratie possible" lança-t-il sûr de lui. "Dans ce cas écoutez cette citation de Sieyès tirée de son Discours au jeu de paume du 7 septembre 1789 :
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » qu’en pensez vous ?" assèna- t- il
Rouge de colère, acculé, ce brave personnage public qui devait lui répondre n’a rien su dire. Après quelques balbutiements ils se mit à parler de voile et de laïcité.

Ce petit cirque a duré longtemps. Crêpes parties après crêpes parties, perturbations après perturbations, nous avons clairement changé le débat. La vitrine que cela nous a offert nous a permis d’appeler à l’abstention. Les élections auraient bien lieu, mais quelles que soient les têtes présentes au second tour nous ne leur donnerions pas nos voix.
On avait peur de voir Marine Le Pen arriver au pouvoir parce qu’on ne voulait pas que nos auto-émancipations se fassent dans la guerre totale mais on a tenu bon car voter contre elle c’était accepter qu’une telle possibilité existe encore. On savait que si c’était elle ou n’importe qui d’autre on se ferait aussi durement attaquer par la police du capital. Nous avions un projet bien plus grand qu’une simple esquive du pire. Nous étions révoltés et ingouvernables. Nous avions un début à continuer et nous voulions rendre l’insurrection irréversible pour changer le système par sa base.
Nous avons structuré notre discours et l’avons rendu implacable. Nous avons achevé de démonter l’extrême-droite trumpo-poutinienne réconciliée avec le médef puis nous avons réglé leurs comptes intellectuels à tous ceux qui prétendaient réformer l’irréformable.
Nous sommes devenus un véritable mouvement à l’écho international. À chaque assemblée nous produisions des textes encore meilleurs. À chaque action nous savions ce que nous avions à faire. A chaque bolossage de parrain politique on gagnait en popularité et on faisait le tour des journaux télévisés.
Ainsi nous n’avons pas participé à la grande mascarade électorale de la République mafieuse, au contraire, nous avons apporté toutes les preuves que cela ne servait à rien. Nous avons préféré rappeler à ces égos astronomiques assoiffés de pouvoir qu’ils n’étaient que des hommes. Nous avons détruit leur semblant de légitimité et de crédibilité. Pour préparer le terrain.

Chronique d’une révolte

Une fois le nouveau président libéraliste élu par des naïfs qui croyaient encore possible l’arrivée d’un sauveteur sorti de nulle part nous nous sommes adaptés. Puisqu’il voulait s’attaquer à nos droits, nous sommes passés à l’offensive les premiers. Dès le jour de son investiture nous avons cessé le travail. Nous avons décidé la grève générale illimitée mais aussi les blocages, la grève des loyers et des factures. Nous avons fait dans chaque villes les 1res marches pour la démocratisation.
Nous avions déjà de plus grands projets mais nous devions commencer par poser des exigences. Nous devions permettre à chacun de défendre ses valeurs propres au sein d’un mouvement unifié, lié par le besoin de justice et d’égalité.
Le 1er appel aux marches pour la démocratisation exigeait ceci : "interdiction du 49-3 ; retrait des lois passés sous 49-3 ; égalité salariale hommes-femmes ; inégibilité pour les auteurs d’agressions sexuelles, vérité et justice pour Adama traoré, reconnaissance publique des crimes coloniaux, fin des rhétoriques xénophobes et fin du greenwashing pour des garanties de transition écologique concrètes."
Nous ne pensions pas que nous serions si nombreux. Malgré la réticence des syndicats, dans chaque ville et dans chaque entreprise, des forces qui n’attendaient que cela se sont de nouveau levées sans demander son accord à qui que ce soit. Partout les centre-villes étaient paralysés, partout l’activité cessait, partout des pouvoirs logistiques se bloquaient. Puisque selons ses chantres il fallait se réjouir de ce système où « nous avons cette chance incroyable de pouvoir choisir les politiques qui sont menées pour nous », puisque nous avions le « droit de grève », puisqu’il fallait considérer que « l‘état c’est nous », nous avons décider de le pousser à montrer son vrai visage. On a fait tomber les masques de l’état banquier et de l’état policier. Nous n’avions pas renoncé à nos droits. Nous ne voulions plus devenir chaque jour de plus en plus esclaves de nos patrons/propriétaires/créanciers. Nous ne voulions d’aucune politique qui ne reconnaissait pas le totalitarisme financier dans lequel nous étions plongés. Nous voulions fêter dignement l’arrivée de nouveaux fantoches antisociaux au pouvoir. Nous voulions montrer qu’avec nous ils ne réformeront rien. Les taux d’abstention et de votes blancs ont explosé et les scores de l’élu furent médiocres. Le vacarme que l’on a fait retentir dès la passation de pouvoir faisait écho à celui qui a secoué Washington pas si longtemps avant. Après tout il n’y avait pas tant de différences entre la France et les États-Unis .

Ce jour-là donc, nous avons été partout des milliers. Et nous ne nous sommes pas arrêtés là. Pour espérer gouverner, le nouveau chef du gouvernement allait devoir s’occuper de nous dès les premiers jours. On s’était bien préparés, pas lui, et il n’était pas encore assis dans on bureau que retentissaient au loin les cris de "démission ! démission !". L’état d’urgence fut une fois encore utilisé contre ceux qu’il était censé protéger, nous étions dépeints comme des bandits, mais tout un chacun savait que nous avions raison d’agir ainsi. On détestait bien plus la violence et on était bien plus démocrates même si sous nos cagoules cela ne paraissait pas évident. On ne s’attendait pas à une réponse gentille et on n’a pas été déçus. Mais on a rien lâché. On avait le vent en poupe, tout le monde détestait ce monde fou et s’identifiait à notre volonté de mettre fin aux mensonges et à l’esclavage. On était dans la rue pour la liberté et on se faisait latter la gueule devant les caméras du monde entier au nom de la démocratie de ces empêcheurs de manifester en rond. Ils s’enfonçaient de plus en plus dans leur hypocrisie tyrannique alors nous avons recommencé chaque jour. Nous n’avons laissé aucun répit aux patrons aux bureaucrates et aux casseurs de grève. Comme on se défendait contre les milices en uniforme, les médias présentaient notre légitime défiance comme un vandalisme criminel. Mais après chaque marche on réoccupait une place. Et chaque soir, nous nous organisions. Et chaque soir, ils commentaient nos débats et leurs faisaient tout de même écho.

Nous disions que si le peuple ne veut pas être réduit à mendier son pain à la porte des riches et dans les mairies, comme autrefois à la porte des palais et des couvents, il n’y a qu’un moyen : s’emparer de la terre et des machines et travailler pour son propre compte. Nous étions d’accord pour dire que nous étions ceux qui veulent que la richesse sociale serve à tous les hommes et qu’il n’y ait plus ni propriétaires ni prolétaires, ni riches ni pauvres, ni patrons ni employés, ni élus ni administrés, ni sachants ni manipulés. Nous voulions tout changer et pour cela il fallait converger. Pour converger il fallait laisser chaque division séculaire que l’on ne pouvait continuer à nier s’auto-organiser pour construire son propre socialisme révolutionnaire.

Le 1er soir, après avoir grêvé et manifesté partout en France, nous nous sommes donc réunis sur les grandes places. Dans chaque localité nous nous sommes séparés en organisations monothématiques et en groupes de travail chargés dans un premier temps de rédiger et voter en toute indépendance le texte qui définirait le mieux ses intentions. Les groupes de travail discutaient des changement structurels que nous allions apporter pour faire émerger le nouvel ordre des choses réparties sur des thèmes comme l’abolition du travail, l’écologie, la culture, le sport populaire, l’éducation, le dialogue interreligieux, les associations de consommateurs etc.
Les organisations étaient pour la plupart non-mixtes. Elles prônaient l’auto- émancipation des différentes catégories socio-professionnelles en ne permettant pas aux hommes de dire de quoi les femmes avaient besoins ni aux blancs de dire ce qu’étaient les effets du racisme et de la mentalité coloniale.
Ces divisions n’avaient pas pour rôle de reproduire les schémas identitaires dont l’individualisme forcené nous répugnait au plus haut point. Au contraire reconnaître ces fractures a été le moyen de les dépasser. Nous avons posé cette règle immuable : aucune organisation ne peut imputer la responsabilité d’un problème systémique sur les membres d’une autre organisation.
Travailleurs de la terre, employés de l’industrie, précaires et chômeurs, mal logés, agents administratifs, employés des petites et moyennes entreprises, salariés des grandes entreprises, professionnels de la santé, des médias, exploités du bâtiment, auto-exploités de tous les secteurs, parents d’élèves, défenseurs des droits de l’homme, femmes, lgbtq , asiatiques, musulmans, juifs, sans-papiers, associatifs, handicapés, jeunes, retraités, étudiants, habitants des quartiers populaires, habitants des zones rurales, ..... l’une après l’autre, autant d’organisations que de cases dans lesquelles nous avions été si longtemps confinées et dont on nous avait si longtemps fait croire que les souffrances n’étaient pas liées à l’organisation capitaliste des rapports sociaux ont pris leur destin en main, en reconnaissant mutuellement comme égales en dignité et en droit et en se constituant en toute spontanéité et en toute indépendance selon la légitimité de chacun à y prendre part.

Dès le 2e jour, suite à la 2e marche locale, les organisations créées la veille se sont rassemblées dans chaque localité. Chacune a pu définir sa propre analyse des maladies du capitalisme à ne pas reproduire et a commencé à en faire un projet menant à l’égalité, la justice et la paix sociale. Le soir venu, des milliers de gens sont rentrés chez eux et ont pris leurs stylos.
Le 3e jour, après la 3e marche, de nouvelles réunions ont eu lieu. Chaque volontaire qui avait fait preuve de suffisamment d’écoute et d’inventivité pour produire un texte portant les valeurs de l’organisation a pu le lire devant elle. À la fin des lectures des modifications furent apportées et le texte définitif voté en assemblée générale. Celui-ci voté, il fallut choisir quels seront ceux qui iront les porter à l’échelle nationale.
Parmi les membres de chaque organisation deux volontaires (pas nécessairement choisis parmi ceux qui ont produit le texte mais plutôt en fonction de leur compréhension des tenants et aboutissant de ce qui allait suivre) furent temporairement élus.
Le 4e jour fut un grand moment, celui de la 1re marche nationale. Tandis-que l’activité était réduite à néant, des millions d’habitants venus de toute la France ont convergé vers Paris. La manifestation était monstrueuse. Le peuple était debout, l’histoire commençait à s’écrire. Les portes paroles venus de toutes les localités ont fait une lecture publique des textes rédigés et approuvés par leurs bases venues les soutenir. Ensemble, ils mirent en commun tous les espoirs et les projets qui leur avaient été confiés et annoncèrent la création des organisations nationales et des groupes de travail nationaux.

Le 5e jour, suite à la 4e marche locale, chaque organisation et chaque groupe de travail local a choisi lequel de ses membres participerait au nom de tous à la rédaction des projets nationaux. Ils avaient la garantie que les projets qui en sortiraient seraient soumis à leur approbation avant tout mise en œuvre et qu’ils pourraient révoquer à tout moment ceux qu’ils enverraient défendre leur parole en cas de manquement d’efficacité. Ce fut une grande fête car rien ne serait plus pareil après cela.

Le 6e jour fut celui des congrès. Ce jour-là nous n’avons pas marché mais nous n’avons pas repris le travail non plus. Nous étions tous chez nous à regarder en direct sur internet les prises de position qui allaient peut-être constituer un programme. Un projet incroyable est né de cette journée.

L’organisation nationale des travailleurs a déclaré : « nous allons proposer aux membres de toutes les organisations de travailleurs qui nous composent de voter l’abolition de la propriété privée des moyens de production, la coopérativisation des entreprises et la contribution de 25 heures hebdomadaires »

L’organisation Nationale des travailleurs de la terre a déclaré « nous allons proposer la mise en commun des terres des machines et des semences pour appliquer un plan de gestion continue agro-écologique faisant de nos campagnes un gigantesque jardin ouvrier inscrit dans le développement durable plutôt qu’une industrie de la monoculture. Pour que nul ne soit seul dans son champ et que nul espace vacant ne trouve son utilité nourricière ou ne favorise la biodiversité : »

L’organisation nationale des précaires déclara : « nul ne pourra manquer de rien et nul ne pourra s’enrichir aux dépens d’un autre. Nous allons proposer la création du pot commun national dont les fonction seront de reverser à chaque habitant un revenu égal inconditionnel et de financer tout ce qui n’a pas à être payant : recherche, culture, soins, transports, cantine scolaire... Il n’y aura plus ni salaires ni bénéfices mais seulement une TVA qui s’ajoutera au prix coutant qui sera reversée à tous. Dès lors que ce revenu réellement universel sera suffisamment élevé nous vaincrons la misère puisque les prix ne comporteront que le coutant et cette taxe, donc ni la paie des employés ni les bénéfices du patron. Chaque structure pourra autofinancer sa croissance en définissant une cotisation mensuelle d’un montant égal à tous ses membres. »

Le groupe de travail des associations de consommateurs déclara : « dans chaque ville nous formerons une commission chargée de recenser les besoins en production et en distribution exprimés par les habitants qui s’y investiront. Nous travaillerons directement avec les producteurs et organiserons l’approvisionnement sur les marchés et dans les magasins grâce à tous ceux qui participeront à cette organisation d’intérêt public qui ne saurait faire la fortune de quelque grand industriel ou spéculateur que ce soit. »

L’organisation des femmes proposa : « Droit à l’organisation d’activités non-mixtes. Droit inconditionnel de choisir sa tenue vestimentaire et à disposer de son corps. Cours d’auto-défense féministe gratuits dans chaque ville. Sensibilisation à la lutte contre la culture du viol dans les écoles, dans les médias et dans le monde du travail . »
L’organisation des mal logés dit « nous allons réquisitionner tous les logements et bureaux vacants, maintenir la propriété des maisons mais interdire toute demande de loyer à ceux qui les occupent, puisqu’elles ne sont pas vacantes. »"

Et vous ? Quelle organisation voulez vous créer ? Quelles idées voulez vous qu’elle fasse triompher ? Municipalisme libertaire, coopérativisation du travail, conquête de l’essentiel pour tous, instruction intégrale, démilitarisation, logement pour tous, confédération de communes… rêvez demain, ne votez pas.

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