Panorama du racisme à l’œuvre dans les prisons pour étrangers du Mesnil-Amelot, 1970-2017

Pour mémoire : compilation d’articles référençant la longue histoire du racisme au Mesnil-Amelot.

1970 : Le Mesnil-Amelot. Construire Roissy : les travailleurs étrangers

Le Mesnil-Amelot abandonne la moitié de sa superficie au projet d’aéroport et, près du village historique, un autre village artificiel destiné aux travailleurs de Roissy réunit progressivement près de 1 200 personnes, en majorité des étrangers. Ces effectifs constituent une grande partie des ouvriers du chantier
Ce que l’on appelle le « camp » est créé en 1967 et situé à quelques dizaines de mètres du chantier. Il se compose de deux espaces : une série de longs pavillons, logements collectifs destinés majoritairement aux ouvriers célibataires, et un ensemble de pavillons préfabriqués sur pilotis, sorte de bungalows qui accueillent, parfois durant plusieurs années, les familles des chefs d’équipe et conducteurs d’engins.
En 1972, ce foyer patronal compte environ 360 Algériens, 410 Portugais, 200 Tunisiens et Marocains et 40 Français. Une vingtaine de familles de travailleurs portugais s’est aussi installée au village après une période de résidence dans le foyer.(…)
Les dysfonctionnements de l’assistance médicale sont aussi reprochés aux employeurs négligents, comme le déclare un ouvrier :
« Lorsqu’il y a un accident sur le chantier, il faut attendre parfois un bon moment l’ambulance. »
le volume horaire hebdomadaire approche les 50 heures, la pénibilité du travail sur ce chantier gigantesque et l’absence de véritables loisirs condamnent les salariés à l’isolement. Des tentatives d’alphabétisation sont entreprises, mais de manière désorganisée et intermittente et aucun organisme extérieur à l’ADEF, politique, syndical ou bénévole, n’est autorisé à pénétrer dans le camp.
L’idée que la présence de ces travailleurs étrangers pose des « problèmes » et des « inconvénients » et n’apporte que des désavantages est alors une idée courante dans la France du début des années 1970. La mairie fait connaître le « coût » occasionné par cette présence… »
….

7 mars 2003 - Deux rapports dénoncent les violences policières en zone d’attente - Le Monde
Expulsés du CRA Mesnil-Amelot + aéroport conditions d’embarquement

Plus troublant encore, de nombreux cas cités font l’objet de certificats médicaux spécifiques : un formulaire préimprimé rempli par les médecins où sont précisées les circonstances des violences. La case « agression » y est cochée et complétée par les termes « à l’aéroport de CDG ». Les libellés médicaux se font ensuite plus explicites : « agression à l’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle à l’embarquement à 23 h 00 le mardi 18 juin 2002 » ; un autre, le 19 août, précise « par les fonctionnaires de police ». Depuis l’arrivée de MDM et les pressions des associations, les médecins de garde semblent ne plus vouloir couvrir des pratiques trop courantes.
L’ensemble de ces accusations est porté en complément d’une critique en règle des conditions d’accueil en zone d’attente. Les rapports font état des « pressions psychologiques » pour forcer les étrangers à embarquer. Ils détaillent aussi les « humiliations » : réveils répétés en pleine nuit, séparation en fonction de la religion lors des déplacements, insultes racistes - le mot de « macaque » revient régulièrement -, privation de repas ou d’accès aux sanitaires… L’état des locaux, maintes fois dénoncé, ne semble guère s’être amélioré dans de nombreux terminaux, pas plus que les conditions d’accueil : sont ainsi stigmatisés l’entassement de plusieurs dizaines d’étrangers à même le sol dans des locaux exigus, l’absence de chauffage et de couverture au Mesnil-Amelot, les haut-parleurs appelant les « embarqués » toute la nuit…
Interrogé par Le Monde, le ministère de l’Intérieur nie toute violence en expliquant que seuls deux cas ont été signalés et sanctionnés en 2002.

15 décembre 2007 (extrait de ce livre : Désobéir avec les sans-papiers, Les Désobéissants, le passager clandestin, 2009)

« au CRA Mesnil-Amelot… les conditions de vie se sont fortement dégradées (douches et chauffages défectueux, manque de lits, nourriture périmée, surpopulation), les sans-papiers rédigent un cahier de doléances, inscrivent des slogans sur leurs T-shirts… entament une grève de la faim… l’un des meneurs est puni par transfert au CRA de Vincennes, où la contestation s’étend… »

21 juin 2008
Extrait de la revue Vacarme

« Mais, débordées par une révolte dont la détermination les a surprises (et qui faisait jonction avec celle des retenus du CRA du Mesnil-Amelot, près de Roissy), les forces de police ont perdu leur sang-froid, ce qui s’est traduit par une surenchère d’injures racistes et d’exactions physiques, et comme toujours l’ouverture de la chasse aux présumés leaders. Un pas en avant a été fait dans la nuit du 11 février 2008 avec une provocation clairement destinée à servir de prétexte à une action punitive : un policier éteint le poste collectif de TV, et tout le monde s’indigne. Surgissent ensuite des CRS, qui se livrent sans retenue à des violences. C’est alors qu’un policier s’amuse à "calmer" la révolte en utilisant son Taser. Un policier ou plusieurs ? Toujours est-il que trois étrangers seront transférés à l’hôpital. »

17 février 2009 : paroles de retenus sur les faux laissez-passer à fin d’expulsion

« Maintenant, il faut faire quelque chose pour nous. Ils nous donnent de faux laissez-passer pour tous les pays : Mali, Comores, Congo, Chine, Cap-Vert. Le consulat reconnaît que ce n’est pas eux qu’ont fait les laissez-passer. Le type est libéré par le juge. C’est eux-mêmes qui les fabriquent. Dès qu’ils arrivent à l’aéroport, les gens s’en rendent compte. L’autre jour, un Sénégalais a été expulsé et il nous a appelé du Sénégal pour nous dire que le laissez-passer était faux. C’est au Sénégal qu’il l’a su. Quand il y a quelqu’un qui est expulsé, il nous téléphone à son arrivée pour nous raconter et il nous dit si c’était un faux laissez-passer. »

18 novembre 2011 : rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté au CRA du Mesnil-Amelot

« Il a été rapporté aux contrôleurs que « certains fonctionnaires avaient des comportements et des propos à caractère raciste ou vexatoire à l’égard de certains retenus et
que ces attitudes entraînaient ou pouvaient entraîner des incidents ; ces comportements
étaient concrétisés par des gestes ou des paroles déplacés
 ».

16 décembre 2015- Black out au Mesnil-Amelot
L’Humanité
Privées d’eau et d’électricité, les personnes enfermées au centre de rétention du Mesnil-Amelot (77) voient leurs conditions de vie très dégradées depuis dimanche soir. Mais, même dans le noir, la machine à expulser continue son travail !... la CIMADE a pu constater de graves atteintes aux droits et à la dignité des personnes… le juge ose l’écrire : « le maintien du retenu dans un local sans électricité, et notamment sans chauffage, durant l’hiver à des températures proches de zéro degré, ne constitue pas encore à ce jour des conditions de rétention contraires au principe de respect de la dignité de la personne humaine »

8 mars 2016 : Mesnil-Amelot : feu au centre de rétention

« Le CRA du Mesnil-Amelot est une fiction administrative qui regroupe dans une même enceinte deux centres, avec dans un bâtiment attenant un tribunal délocalisé. C’est le plus grand CRA de France situé stratégiquement au pied des pistes de l’aéroport de Roissy. Toute la violence de la politique d’enfermement et d’expulsion menée par l’État à l’égard des personnes étrangères s’y cristallise. »

10 août 2016 : “Tuni-chiens”

“Tuni-chiens”, c’est ainsi que des policiers français imprégnés des principes républicains et des valeurs citoyennes ont traité un sans-papier tunisien au sortir du centre de rétention de Mesnil-Amelot.

3 janvier 2017 : Que se passe-t-il au CRA du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) ? D’évidence la hiérarchie policière ne cherche guère à le savoir

« en janvier 2016, sur la messagerie intranet du même service – utilisée habituellement pour les alertes Vigipirate ou les signalements d’individus dangereux –, les fonctionnaires ont reçu de la propagande antimusulmane attribuée au Front national, le courriel étant accompagné d’une photo et de la signature du député Gilbert Collard. Un mail qui a par ailleurs transité par plusieurs services, dont ceux de la préfecture de police, à lire la chaîne des destinataires. Il est resté lisible durant près de dix mois ! »

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