« Se Defendre » comme une suite à « Cortege de Tête »

« Se défendre »
Dans le cadre du festival "Eveil de Printemps" à La Générale, une performance dansée qui redonne au muscle, sa place dans la politique de combat.

« Se défendre »
Dans le cadre du festival Eveil de Printemps (voir plus bas), une performance dansée qui redonne au muscle, sa place dans la politique de combat.

Pendant le mouvement contre la loi travail, à cinq membres du cortège de tête nous avions entamé un travail d’écriture. À travers nos cinq trajectoires, nous voulions, écrire une épopée de ce cortège bâtard et offensif où se mélangent syndicalistes sincères, étudiants, précaires, lycéens... ce phénix sur lequel le pouvoir jette des grenades, non pas tant parce qu’il pète les banques qu’il est la brume où ceux qui ne devraient jamais se rencontrer se rencontrent. Notre geste avait jaillit comme un réflexe d’auto-défense face à la propagande des mass-médias, une façon toute autant dérisoire qu’urgente et salutaire de nous réapproprier notre histoire, sa complexité, sa richesse, en l’écrivant nous-même. À ce travail d’écriture que nous avons intitulé « Cortège de tête », nous mélangeons des sons qui avaient été enregistrés sur le vif par deux des protagonistes.

« Se défendre » fait suite à « Cortège de tête ». J’avais envie de continuer à fabriquer du sensible à partir de cette expérience politique forte. Lise-Marie et Karim ayant enregistré beaucoup de sons durant le printemps 2016 pour Radio Debout, je leur ai proposer d’en faire un montage chacun pour que des danseurs ou des danseuses puissent performer dessus.
L’intuition c’était d’explorer par la danse et le son, la question de l’engagement du corps dans la lutte politique. Ce qui rassemblait les individus du cortège de tête, c’est le constat de l’impossibilité qu’il se passe le moindre événement dans le champ du politique sans l’engagement des corps. Le livre de la philosophe Elsa Dorlin « Se défendre, une philosophie de la violence » est arrivé à point nommé, il est venu conforter notre intuition, il nourrit notre travail. Si nous lui avons emprunté la moitié du titre de son ouvrage — avec son accord — c’est une façon pour nous de revendiquer une filiation de pensée, une pensée qui se cherche de plusieurs manières, sous différentes formes.
Les montages sonores donnent à entendre deux façons d’appréhender l’engagement du corps dans la manifestation, donne à entendre la peur, la joie, le danger qu’encourent celles et ceux, qui, à un moment, font le choix d’être ici plutôt qu’ailleurs, d’être là pour défendre une autre idée de la vie, une autre façon de fabriquer du politique, celles et ceux qui ont fait le choix de la violence physique *« en tant que nécessité vitale, en tant que praxis de résistance ».

Le choix de ne faire danser qu’un seul corps sur les sons de foule, c’est une façon de faire sentir que l’individu opère seul la bascule qui le fait se lever pour se défendre — au sens musculaire du terme. Que si un corps seul est fragile, lorsqu’il s’assemble avec d’autres, il peut prendre une rue, la tenir, occuper une fac...
Et ce corps seul, libre, fragile, inventif pour se rappeler qu’à travers lui, lorsqu’il est frappé, contraint, mutilé, emprisonné parce qu’il se défend, ce qui est attaqué à travers ce corps qui s’est levé, ce sont nos libertés, c’est notre droit à la fragilité, c’est notre inventivité, notre résistance, c’est notre façon de nous tenir debout plutôt qu’à genou, c’est notre grâce, notre façon d’habiter le monde.
Leurs capacité à improviser ont guidé le choix des danseuses, leur rigoureuse exigence à se tenir dans l’instant, ne pas faire semblent, leur intransigeance à habiter pleinement l’instant qui se joue, jusqu’à mettre en jeu leurs tâtonnements, parce qu’il n’en va pas autrement d’une manifestation offensive ou d’un combat politique : le sens d’improvisation que réclament les situations, la joie à être entièrement dans l’instant, faire feu de tout bois, être dans ce qui se se passe, dans ce qui se joue, en même temps que de profiter à plein d’une situation que l’on créer, nous laisser déborder par elle... Le cortège de tête lorsqu’il savait se surprendre n’était pas autre chose qu’une improvisation.
Nicolas.

Danseuses : Laetitia Angot ou Furia (Marlène Rostaing & Leïla Martial au chant).
Prises de son, montages, mixages : Lisemarie Barré ou Karim Benzidani

« SeDéfendre », entrée libre
jeudi 29/03, 15h
vendredi 30/03, 21h,
vendredi 06/04, 21h30,
samedi 07/04, 17H

« Cortège de Tête »,
Samedi 31/03, 19h

*Partir du muscle plutôt que de la loi : cela déplacerait sans doute la façon dont la violence a été problématisée dans la pensée politique. Ce livre se concentre sur des moments de passage à la violence défensive, des moments qui ne m’ont pas semblé pouvoir être rendus intelligibles en les soumettant à une analyse politique et morale centrée sur des questions de « légitimité ». Dans chacun de ces moments, le passage à la violence défensive n’a d’autre enjeu que la vie : ne peut pas être abattu.e d’emblée. La violence physique est pensée ici en tant que nécessité vitale, en tant que praxis de résistance.


« Créer, c’est résister. », Festival Eveil de Printemps,
du 25 mars au 7 avril 2018,
La Générale,
14 Avenue Parmentier, Paris XI,
Entrée libre.

Ce festival de création contemporaine de La Générale est imaginé par le Bureau Trois. Dans cet espace brut, hanté, fier, cette cathédrale industrielle, cette jachère d’acier, de verre et de béton que le capital est au bord de défigurer, depuis trois ans, à base de bric, de bouts de ficelles, de broc, nous nous battons pour construire un temps qui soit spécifiquement consacré à la création, aux tentatives, aux cascades — ce ne sont pas des mots en l’air. Nous nous évertuons à habiter le mystère du lieu, à en être dignes, en y lançant dans ses plis, ses replis, ses étages, de la danse, des performances, des chansons, des lectures, de la musique, du théâtre... des gestes d’artistes, des gestes peu ou prou bâtards, réfractaires, inattendus, libres.

Nous renforçons cette année nos expérimentations en essayant de faire de cet évènement un temps qui crée max de porosités. Cette édition pose le désir de réconcilier l’art et le politique, le désir de faire se frotter différents publics, différentes façons d’imaginer, de créer du vivant.
Nous précipiterons des gestes artistiques dans des temps de rencontres ou de discussions politiques animées par des revues de création politique & artistique, des temps pendant lesquels des collectifs de luttes contemporaines, radicales, discuteront, témoigneront, fabriqueront... Et parce qu’elles sont un fer de lance des luttes autonomes, des cantines populaires autogérées proposeront des repas à prix libres.

À la veille des commémorations du printemps 68 — une encore jolie façon d’étouffer les luttes nombreuses, vivaces, inventives d’aujourd’hui — nous cherchons une manière de ne pas émousser son tranchant. Son tranchant.

Remerciements à
Les élèves de l’Ecole Nationale Supérieure Louis-Lumière, La cantine des Pyrénées, le Collectif Places des Fêtes, Les Mains dans le dos, Jef Klak, Ballast, les élèves de l’Ecole Miroir, Pièces à emporter

Toutes les informations sur www.lagenerale.fr/
Réservations : reservation@lebureautrois.com

Mots-clefs : musiques | arts

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