Souvenir d’un poisson rouge

Un poisson rouge qui ne tournera plus en rond et qui a décidé de filer tout droit la prochaine fois...

J’avais entendu les cris de joie de « nos » dirigeants syndicaux proclamant que le droit de manifester nous était reconnu, je suis parti à la Bastille, mais les informations concernant les contrôles m’avaient quand même un peu refroidi, je suis donc parti le cœur lourd et les poches légères. La RATP diffusant en boucle le message annonçant la fermeture de la station Bastille, je suis descendu une station avant, le comité d’accueil était là, dans le métro, un petit premier groupe de CRS. Premier carrefour, premier contrôle des sacs, je passe sans problème n’ayant pas de sac, et le keffieh ne semble pas les intéresser. Carrefour suivant, on recommence, devant moi deux personnes protestent disant avoir été déjà contrôlées, mauvais plan, cette fois leur sac est totalement vidé. Troisième carrefour, changement de couleur, ce ne sont plus des CRS mais des gendarmes, accueil toujours aussi chaleureux, et cette fois-ci je dois ouvrir mon blouson, peut-être voulait-il lire ce qui était écrit sur mon T-shirt.
J’eus alors le droit d’entrer place de la Bastille entièrement encerclée par des grilles, véhicules de polices et force de l’ordre capitaliste. J’ai alors ressenti une impression bizarre, c’est bien la première fois que, sans attendre d’y être conduits, nous allions, de notre plein gré, nous enfermer dans une souricière, nasse, camp d’internement.
Au départ de la manifestation, nous avons eu le mauvais goût de tourner dans le mauvais sens, mais, nous fûmes très vite stoppés par une rangée de gentils organisateurs à boucliers. Mais, fort heureusement, la fanfare était là, et entre deux séries de slogans a notamment joué La semaine sanglante. Malgré cette ambiance bon enfant, nombreux mais pas suicidaires, nous avons eu quand même droit à la parade du canon à eau. Mais l’attente fut de courte durée, la manifestation officielle a eu tôt fait son tour de bassin, poussée par les services d’ordre, les forces de l’ordre capitaliste nous ont alors laissés en face du service d’ordre des syndicats ayant approuvé cette mascarade. Après quelques échanges « courtois et amicaux » avec les SO officiels, l’on repart dans le sens de la marche, nous retrouvant en tête de manifestation pour arriver aussitôt à la place de la Bastille, et rejoindre la queue de manif. Après avoir passé le commissariat, nous avons rejoint un petit groupe qui avait poursuivi sa trajectoire dans l’autre sens, demi-tour en scandant « le bon sens c’est le contresens ! » Et nous voilà à nouveau de retour place de la Bastille.

En résumé, ce fut fort sympathique, la fanfare a un joli répertoire, j’ai pu croiser d’autres habitué-es des cortèges de tête, mais ce n’était pas une manifestation, simplement une soumission au diktat du gouvernement. Depuis des mois, j’ai participé à toutes les manifestations dans les cortèges de tête, avec plus ou moins de bonheur. Je continuerai mais plus jamais je n’irai m’enfermer dans un cas d’internement cerné par les forces de l’ordre capitaliste.
Pour conclure, pour celles et ceux qui ne connaissent pas les paroles de la Semaine sanglante de Jean-Baptiste Clément et évoquant le massacre des Communards par les Versaillais, le refrain en est le suivant.
Oui mais !
Ça branle dans le manche,
Les mauvais jours finiront.
Et gare ! à la revanche
Quand tous les pauvres s’y mettront.
Quand tous les pauvres s’y mettront.

Mots-clefs : manifestation

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