SOS hôpital en danger : des soignant·e·s à bout de souffle

Comprendre la détresse des soignant·e·s et la crise de l’hôpital public. Allons-nous vers son déclin ?

  • Manifestation des hôpitaux vendredi 14 février

    Alors que l’hôpital hurle sa souffrance, une nouvelle grande manifestation nationale des hospitaliers aura lieu : Le 14 février, « déclaration d’amour » à l’hôpital public…

    L’inflexibilité du gouvernement nous conduit tout droit vers une catastrophe sanitaire annoncée. Le mouvement va continuer et certainement se durcir, conséquence d’une surdité des pouvoirs.

    Quel que soit notre service, notre lieu de travail, nous sommes tous concernés !

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Un mot d’ordre : ne pas laisser mourir l’hôpital public. L’ensemble du personnel hospitalier lance un SOS national avec des manifestations qui se multiplient depuis mars dernier. Pour cause : plus de dix ans de restrictions budgétaires drastiques dans les hôpitaux.

Depuis une quinzaine d’années, des mesures visant à réduire l’augmentation des dépenses de santé ont été appliquées. On retrouve parmi elles la tarification à l’activité, la T2A, qui vise à capitaliser les soins prodigués aux patient·e·s.
Cette tarification maîtrise le budget hospitalier, dans la mesure où ce sont les activités de soins qui vont déterminer les dépenses et non l’inverse. La T2A représente aujourd’hui 70% des ressources des hôpitaux publics.

Cette mesure, qui est censée diminuer les dépenses, connaît des difficultés budgétaires chroniques depuis sa mise en œuvre. D’après la Fédération hospitalière de France (FHF), le déficit approchait le milliard d’euros en 2017, soit deux fois plus qu’il y a dix ans.
Alors que l’activité des hôpitaux a globalement augmenté depuis quinze ans, le Ministère adopte des mesures économiques successives et réduit les tarifs : les médecins sont alors obligés d’accroître l’activité hospitalière pour espérer conserver les mêmes ressources.
On tombe alors vers une marchandisation de la médecine hospitalière : on augmente la productivité au détriment de la qualité. L’effectif n’est pas suivi et provoque un épuisement professionnel chez les soignant·e·s : burnout, dépression, suicide.

Couplée à la T2A, la gouvernance hospitalière, avec la loi Hôpital, patient, santé et territoire, dit HPST ou loi Bachelot, alerte davantage les soignant·e·s.
Le conseil exécutif, chargé de l’organisation et de la planification des politiques de santé, est tenu par un comité administratif. Celui-ci comporte un·e directeur·rice, contrôlé·e par le conseil de surveillance et l’agence régionale de santé (ARS), la commission médicale d’établissement (CME) et le·la doyen·ne quand cela concerne un CHU (centre hospitalier universitaire).
Les avis médicaux ne deviennent alors QUE consultatifs. Les décisions dépendent du·de la directeur·rice, sous l’influence du ministère de la Santé. Pour ce qui concerne les CHG (centre hospitalier général), il s’agit de la même configuration sans le·la doyen·ne, mais avec le.la maire en plus. La municipalité dirige aussi ce comité administratif. Les interventions politiques et le sort des hôpitaux dépendant des élu·e·s locaux.

Avant la loi HPST, le comité médical avait un poids plus important. Plusieurs projets allant à l’encontre des valeurs soignantes ont été abandonnés grâce aux médecins.
Désormais, malgré les arguments fondés, les médecins sont rarement entendus puisqu’ils n’ont plus vraiment de pouvoir de pression, leurs avis n’étant plus que consultatifs. Le poids décisionnaire chez les médecins a disparu.
Cette loi annonce une nouvelle gouvernance hospitalière purement administrative et non médicale. Ces changements considérables laissent entendre qu’une logique économique passe avant une logique médicale.

De plus, cette loi prévoit que le·la directeur·rice d’hôpital ne sera plus issu·e de l’École des hautes études en santé publique, mais pourra être recruté·e sur CV, venant du secteur privé. L’hôpital devient alors une entreprise, à la recherche de profit et de rentabilité au détriment du souci médical et de la prise en soin.

Il est indispensable de noter d’ailleurs que, le nombre de burnout et de suicides au sein du personnel augmente, provoqués par des conditions de travail de plus en plus délétères, notamment par la mise en place de ces décisions politiques.
Cette restriction budgétaire, couplée à la course à la rentabilité, provoque une tension chez les soignant·e·s qui n’arrivent plus à exercer leur métier dans des conditions décentes : sous-effectifs, fermetures de lits, compte épargne temps pleins, refus de vacances planifiés, horaires des crèches non concordants aux horaires de travail, congés maternité non remplacés, salaires bas, etc.

Le manque de moyens matériels et humains altère la qualité des conditions de travail. Les patient·e·s les moins stables sont prioritairement pris en charge au détriment des patient·e·s un peu plus autonomes, mais qui nécessitent tout de même des soins.
Les soins de nursings, en dehors des toilettes et de l’administration des repas, ne sont plus réalisés correctement par manque de temps. Nous tombons alors dans une maltraitance institutionnelle où les soignant·e·s exercent leur métier tout en sachant qu’iels seront amené·e·s à négliger certain·e·s patient·e·s, faute de moyens et de temps.

Les soignant·e·s se sont, au départ, appuyé·e·s sur des valeurs de dignité humaine, de respect, d’empathie. Voir leur idéal s’éteindre est une véritable violence qui entraîne l’épuisement professionnel. Ce management néolibéral produit beaucoup de mal-être : ces mesures d’austérité induisant une réduction des effectifs sont plus importantes que la délivrance des soins. Par cette austérité, une déshumanisation des soins se fait ressentir. La direction ne semble pas s’inquiéter de ces conséquences qui touchent les patient·e·s, en plus du personnel hospitalier.

D’après le syndicat national des professionnels infirmiers, 30% des nouveaux·elles diplômé·e·s abandonnent la profession infirmière dans les 5 ans qui suivent le diplôme.
En 2019, une diminution de presque 50% des inscriptions au concours aide-soignant a été recensée. Cet abandon prématuré de la profession est également lié à la faible attractivité salariale avec un début de carrière à 1 500 euros après 3 années d’études.
La non-reconnaissance des contraintes (prime de nuit à 1,07 brut de l’heure, week-end à 45 euros brut, etc.), la charge de travail doublée en 10 ans (réduction de la durée moyenne de séjour, les malades deviennent de plus en plus lourd·e·s en restant un minimum de temps) et les appels de remplacement sur les jours de repos à cause du manque de personnel sont autant de contraintes qui affaiblissent l’attractivité.
Aujourd’hui, plus de 400 postes infirmiers sont vacants à l’APHP.

Plusieurs actions ont été menées pour lutter contre ces décisions politiques et ces restrictions budgétaires : arrêt du codage et annonce de démissions chez les médecins, blocages, manifestations et collages.
Un préavis de grève illimitée a été annoncé depuis le 5 décembre dernier par la CGT santé.

Nous, soignant·e·s, appelons tou·te·s les citoyen·ne·s à lutter avec nous pour sauver l’hôpital public.

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